Handball - PSG : «Neymar ou Karabatic : il ne faut jamais banaliser l’exceptionnel»
Alexis Bernard -
Rédacteur en chef
Footballeur presque raté, j’ai choisi le journalisme car c’est l’unique profession qui permet de critiquer ceux qui ont réussi. Après avoir réalisé mon rêve de disputer la Coupe du Monde 2010 (en tribune de presse), je vis de ma passion avec le mercato et les grands événements sportifs comme deuxième famille.

Bruno Martini, légendaire gardien de buts des « Costauds » et désormais manager général du PSG Handball, se confie de façon étonnante dans une autobiographie, « Le handball est un sport de combat ». L’occasion pour le champion de raconter les souvenirs d’une carrière exceptionnelle, construite par le travail, la sueur et le… travail.

Ce livre est assez inattendu, de votre part. Vous aviez besoin de dire certaines choses ou vous avez simplement répondu à une sollicitation d’éditeur ?
C’est une sollicitation d’éditeur. Un projet que j’ai d’abord refusé. Par pudeur, je crois. Et puis, au final, je me suis dit que j’avais envie de raconter des choses, de revenir sur ce que j’avais pu vivre durant toutes ces années. Mais je ne voulais surtout pas faire un livre polémique, avec du « sang sur les murs ». Je considère qu’il y a des choses qui appartiennent au vestiaire et qui doivent y rester, comme il y a eu des comportements limites de certains, à qui je ne voulais surtout pas faire de pub. L’idée a donc été de mixer mon ressenti sur des années de carrière avec des anecdotes intéressantes pour illustrer.
 
On dit souvent qu’un travail autobiographique ressemble à celui d’une thérapie et que ça peut faire du bien. C’est votre cas ?
Oui (sourire). Je dois avouer que ça fait du bien de se replonger dans tout cela. Je ne sais pas si cela a pu me guérir mais le fait de remuer tous ces souvenirs m’a mis devant une espèce de bilan. Et c’est fort, de faire cela.

« J’ai toujours compensé par le travail. C’est devenu mon arme »

La rigueur, la difficulté, le travail… Ce sont des termes qui reviennent beaucoup dans votre livre et dans vos interviews. C’est propre au haut-niveau ou à ce qui vous a permis de l’atteindre ?
Les deux. Je n’étais pas doué. Je ne maîtrisais pas parfaitement mon corps, je n’avais pas de souplesse naturelle. J’ai dû travailler pour pouvoir atteindre le haut niveau. C’est mon tempérament, j’aime ça. C’est un peu la rédemption par l’effort. Le travail est la valeur dominante et la première des valeurs. C’est encore plus vrai pour moi, n’ayant pas de facilité particulière. J’ai toujours essayé de compenser par le travail. C’est devenu mon arme…
 
Quel regard porte un laborieux face à ceux qui ont du talent et de la magie dès l’instant où ils touchent un ballon ?
Ceux qui ont du talent ne sont pas exemptés de travail. Ils ont d’ailleurs encore plus de devoir que les autres, parce qu’ils ont justement du talent. Pour être meilleur et faire partie des meilleurs, ils doivent nécessairement travailler. Il ne faut pas croire que c’est facile, juste parce qu’on a du talent. Avoir un capital de base, aller plus vite, être plus fort, nécessite forcement d’optimiser toutes ses qualités. Sans travail, elles n’ont aucune valeur.
 
On dit que les nouvelles générations perdent ce goût de l’effort. C’est aussi valable dans le monde du sport, et notamment du handball, que vous continuez de fréquenter ?
Non, je ne pense pas. En tout cas, je pense que le sport n’est pas significatif de l’état actuel de la société. On parle de gens qui ne sont pas dans la norme donc il est difficile de pouvoir considérer les sportifs comme des personnes représentatives de leur génération. Alors oui, ils ont les mêmes codes et utilisent les réseaux sociaux, parce qu’ils aiment que ça aille vite. Mais ils ont plus d’envie, plus de caractère, plus de motivation et sont capables de plus travailler que les autres. C’est le bon côté du sport, il met les gens à égalité. C’est celui qui a le plus envie de réussir qui s’illustre.
 
Avec le recul, vous avez le sentiment d’avoir construit quelque chose d’immense. La réussite du handball français prend racine dans votre génération, non ?
On pourrait penser que oui, mais pas du tout (rire). Je n’ai pas le sentiment d’avoir été précurseur car la première médaille du handball français, celle qui grave dans le marbre la dynamique de victoire dont on profite encore aujourd’hui, c’est Barcelone, 1992 (médaille de bronze aux Jeux Olympiques). Et je n’y suis pas.

« Nedim Remili peut être le nouveau leader du handball français »

Mais vous ne pouvez pas nier votre rôle dans la poursuite des fondations de ce qui a suivi, dans la transmission de ces choses qui permettent encore aujourd’hui aux Bleus d’être quasiment invincibles depuis 20 ans ?
Dans le sens où j’ai pu participer à cette transmission, ça, oui. Cultiver et entretenir ce qui est né à Barcelone, oui. C’est d’ailleurs ce qui fait la force du handball tricolore : la transmission. Désormais, quand un joueur arrive en équipe de France, il sait qu’il a l’opportunité de porter un maillot qui a brillé, avec des étoiles dessus et il y a systématiquement des coéquipiers plus matures, plus expérimentés, qui sont là pour lui rappeler. Des exemples vivants qui incarnent la force de cette transmission.
 
Chaque génération, justement, est portée par un leader. Jackson Richardson, Nikola Karabatic en sont les deux plus grands exemples. Le leader de demain, on le connait ? Nedim Remili ?
Oui, Nedim est peut-être ce type de joueur. Pour ça, il faut qu’il continue de mûrir, de grandir. Il est jeune, même s’il a déjà été champion du monde et fait partie des plus belles équipes types des championnats auxquels il a participé. Il a le profil du joueur qui prend bien la lumière, capable d’être performant individuellement et de toujours apporter au collectif. Dika Mem aussi pourrait être ce type de leader. Il est plus taiseux mais il reste hyper performant. De toutes les façons, avec la génération 1996-1997 que l’on a, on peut se dire que le handball français a encore de beaux jours devant lui…
 
Le sport continue d’animer votre quotidien dans des fonctions de Manager Général du PSG. Vous n’imaginez pas une vie sans handball, sans sport ?
Bah si (Rire) ! Si, parce que ça fait 35 ans que je suis dans le handball, que je ne vis que dans ce monde-là. Forcément, je me demande si je suis capable de réussir ailleurs. Mais il y a une partie de moi qui reste persuadée de ne pas avoir achevé ma mission dans le hand. Je n’ai pas encore fait le tour, j’ai encore des choses à donner. Quand le moment sera venu, le milieu de l’entreprise, sans secteur particulier, me séduit. Tant que je suis dans la gestion humaine, ça me plaît (sourire).

« Des sportifs avec des qualités poussées à l'extrême »

A l’instar du PSG de Neymar, vous courrez vous aussi après une victoire en Ligue des Champions. Entre les footeux et les handballeurs, quelle équipe du PSG réalisera son rêve en premier ?
Je pense que nous sommes un peu plus en avance qu’eux. Nous avons déjà fait une finale et trois demi-finales. Mais tout est possible, quand on connaît le talent qu’il y a dans cette équipe du PSG. On peut également être coiffés au poteau par les féminines du PSG ! Ça serait un joli clin d’œil.
 
Malgré votre fonction et votre rôle dans le club, vous parvenez à conserver un regard admiratif sur les joueurs qui vous entourent, pas uniquement dans le handball. A Paris, il y a Neymar, Mbappé, Karabatic, Hansen, Abalo… C’est juste magique ?
J’essaye, oui. Tout simplement parce qu’il ne faut jamais banaliser l’exceptionnel. Quand on a le talent de Neymar, la précocité de Mbappé, le palmarès et les qualités de Karabatic ou encore la technique de Hansen, on est obligé d’être admiratif et de reconnaître que tous appartiennent à la rareté. Ce sont des sportifs avec des qualités poussées à l’extrême. Être en mesure de voir de beaux et bons joueurs, c’est une vraie chance. Malheureusement, c’est assez facile de banaliser tout ça. Mais il faut que nous, dirigeants, soyons là pour rappeler au public, mais aussi aux joueurs, que ce qu’ils font est exceptionnel. Je me souviens très bien d’un moment dans le vestiaire, après un match contre Fréjus Saint-Raphaël. Je m’étais adressé aux joueurs en leur demandant de surtout profiter de l’instant et de la chance qu’ils avaient de pouvoir être ensemble, d’être des sportifs de très haut-niveau et de pouvoir être regardé par des gens qui se déplacent pour les voir jouer.

« Le handball est un sport de combat » : L’autobiographie de Bruno Martini est disponible aux éditions Mareuil

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